Le conflit touareg et ses enjeux géopolitiques au Mali
Par Abdoulaye Tamboura, Docteur en Géopolitique
Depuis 2012, le Mali est confronté à une rébellion des minorités touarègues menée par les insurgés du MNLA (mouvement national pour la libération de l’Azawad) et leurs alliées du MAA (Mouvement arabe de l’Azawad) et du HCUA (Haut conseil pour l’unicité de l’Azawad) ; tous, regoupés au sein de la CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad). Ainsi, les parties nord du pays (Azawad : objet de revendication pour une autonomie ou pour une indépendance) ont servi de lieux d’affrontements les plus meurtriers entre l’armée malienne et les insurgés. Grâce à une coalition MNLA-AQMI (Al Qaïda au Maghreb islamique) et alliés (narcotrafiquants, An Sar Dine, etc.), ils ont défait l’armée malienne et occupé les territoires revendiqués avant d’être chassé à leur tour les terroristes. Cependant, si, les interventions française (de l’Opération Serval) et africaine depuis janvier 2012 ont mis un frein à l’offensive des terroristes et libérer les grandes villes du Nord, elles n’ont pas mis fin à la guerre qui oppose rebelles et soldats maliens qui continuent jusqu’au mois de mai 2015. Malgré les pourparlers d’Alger (entamés depuis début 2015), les insurgés qui occupent toujours la ville de Kidal, poursuivent leur revendication d’un statut juridique et politique pour l’Azawad. De manière générale, la présente rébellion est une suite logique des précédentes (des années 60, 90 et 2000). Elles émanent d’un malaise de certaines communautés arabo-touarègues manifesté par la mauvaise gouvernance et la marginalisation dont celles-ci pensent avoir subi. Ce mal être des insurgés résulte aussi de la part de l’héritage des rapports difficiles et conflictuels entre nomades et sédentaires, entre « noirs » et « blancs », entre maîtres et esclaves, entre assujettis et « seigneurs ». Aussi, la crise du Sahel a aggravé l’enclavement et l’isolement du Mali-Nord, notamment de l’Azawad, et accentué le sentiment d’être oublié. Elle a desserré et distendu les liens d’avec le reste du Mali « utile ». Toutefois, le soulèvement de 2012 n’a pas entraîné toutes les communautés de l’Azawad dont les rebelles supposent défendre ou parler en leur nom. Il intervient également dans un contexte de soulèvements populaires dans certains Etats arabo-berbères (« printemps arabe » pour les médias), notamment en Libye (guerre civile, puis, la chute de Kadafi). De nombreux combattants touaregs de l’armée libyenne ont ainsi rejoint (avec armes) les rangs du MNLA.