La progression du vote Marine Le Pen aux deux tours de la présidentielle 2017
par Bernard Alidières, docteur en Géopolitique – Institut Français de Géopolitique
Les quatre premières cartes (où les scores sont calculés en fonction des inscrits) permettent de mieux évaluer le niveau du vote de 2002 à 2017. Contrairement aux affirmations de certains commentateurs, le vote Marine Le Pen n’a pas régressé de « 6 à 7 points [depuis] les régionales et départementales de 2015 » (Hervé Le Bras dans Télérama du 24/ 4/ 2017), mais il a augmenté de 2,8 points en fonction des inscrits. Il en est de même (+2,9 points) par rapport au total des votes J-M. Le Pen et B. Mégret en 2002. Il faut en effet tenir compte du fait que le niveau de non-exprimés (Abstention, Blancs & Nuls) était bien supérieur en décembre 2015 (52,1%) ainsi qu’en avril 2002 (30,8%).
Cette hausse du vote Marine Le Pen affecte pratiquement tout le territoire national : alors qu’il y avait, en 2002, 30 départements où le vote « national-populiste » restait inférieur à 10% des inscrits, en avril 2017 il n’y en a plus que 4 (Paris et les trois départements de première couronne). De plus, les cartes de l’évolution des votes montrent que la progression a été presque aussi nette à l’ouest qu’à l’est de la ligne Le Havre-Valence-Perpignan : par rapport à 2002 les gains sont supérieurs à 3,5 points dans 31 départements de l’ouest et dans 27 de l’est ; par rapport à 2015, c’est le cas dans 23 départements de l’ouest et 27 de l’est. On peut noter également la forte poussée du vote MLP dans certains DOM, tout particulièrement à La Réunion et à Mayotte.
Ainsi, les cartes présentées dans les médias (en fonction du candidat arrivé en tête dans un département ou sur la base des seuls suffrages exprimés) proposent non seulement une représentation fort schématique d’une France strictement divisée en deux (Est/Ouest), mais elles ne permettent pas de mettre au jour le renforcement de la diffusion du vote Marine Le Pen dans la France de l’ouest et du sud-ouest. Ce processus a commencé à s’amorcer dès la présidentielle de 2012 et s’est accentué aux dernières régionales (cf. nos Working atlas de 2012 et 2016) ; or cela pourrait permettre à certains candidats frontistes d’atteindre le seuil de qualification pour le second tour (12,5% des inscrits), y compris dans cette France de l’ouest, et donc de jouer un rôle fortement perturbateur dans le cadre de triangulaires.
A l’issue du scrutin présidentiel à deux tours, il est logique que le net écart de suffrages exprimés entre les deux finalistes ait conduit à mettre en exergue la sévère défaite de Marine Le Pen. Pourtant, on ne peut pas se contenter de cartes montrant qu’il n’y a plus que deux départements où elle arrive en tête. Il est également trompeur d’envisager l’évolution du premier au second tour en se basant sur les seuls suffrages exprimés alors que le niveau des non-exprimés a fortement augmenté (passant de 22,4 à 34% des inscrits) dans presque tous les départements.
Malgré l’échec face à E. Macron à ce second tour, les scores de Marine Le Pen se caractérisent en effet par une progression comme jamais auparavant le FN ne l’avait réalisée. Il faut en effet ne pas perdre de vue qu’en mai 2002, J-M. Le Pen n’avait gagné qu’un dizième de point des inscrits au second tour, alors que Marine Le Pen enregistre un gain de plus de six points d’un tour sur l’autre en 2017. Même aux dernières régionales le vote FN n’avait progressé que de 1,8 point au second tour. De plus, dans aucun département, on n’enregistre un recul de ce vote en fonction des inscrits.
Ainsi, venant confirmer les observations sur le bilan du premier tour, les cartes d’évolution des scores de Marine Le Pen mettent au jour des gains importants sur tout le territoire, à l’ouest comme à l’est. Il s’agit bien là d’une réalité géopolitique à prendre en compte en vue des prochaines législatives. Pour autant ces cartes de la présidentielle ne peuvent être utilisées sans de très grandes précautions pour appréhender les futures législatives étant donné le probable fort différentiel d’abstention entre ces deux types de scrutin et selon les électorats des cinq composantes désormais en présence (cf. Libération du 12/ 5/ 2017, p.25).