Élections régionales andalouses : le reflux de la vague Rajoy, par Thibaud de Fortescu
Thibaud de Fortescu est doctorant à l’Institut Français de Géopolitique (Université Paris 8).
Contre toute attente, Le Parti Populaire de Mariano Rajoy a subi sa première défaite électorale depuis la “vague bleue” de novembre dernier. Si la droite arrive tout de même en tête en Andalousie, 59 sièges ne sont pas suffisants pour obtenir une majorité absolue.
Les élections régionales andalouses constituaient les premières élections après la « vague bleue » de novembre dernier qui avait vu arriver la droite au pouvoir au Parlement et dans la majorité des communautés autonomes en jeu.
Et contre toute attente, puisque l’ensemble des sondages donnait le Parti Populaire de Mariano Rajoy et Javier Arenas (candidat en Andalousie) vainqueur, c’est bien un revers qu’a subi le parti de la majorité.
La dernière enquête publiée par El País il y a une semaine annonçait pourtant 59 sièges pour le PP (sur 109) et une majorité absolue. Le parti devra se contenter de 50 sièges, score historique – le meilleur de son histoire – mais probablement insuffisant pour gouverner puisque le Parti Socialiste (PSOE) maintient 47 sièges (contre 56 en 2008) et qu’Izquierda Unida (alliance de gauche fondée sur les cendres du Parti communiste) double le nombre de ses représentants et obtient 12 sièges.
Avec seulement 62% de participation, ces élections ont peu mobilisé. Tout au long de la journée, ces chiffres de la participation très bas laissaient présager une large victoire du PP. Alors que l’électorat de droite est traditionnellement considéré comme « plus fidèle », le PP recueille 170 000 voix de moins qu’il y a quatre ans et plus de 400 000 voix de moins qu’en novembre dernier.
Comment expliquer un tel retournement de situation ?
Il faut d’abord rappeler qu’imaginer la droite l’emporter en Andalousie relevait du fantasme il y a encore deux ans. Région la plus peuplée du pays, gouvernée par les socialistes depuis les premières élections régionales de 1982, et dont sont originaires bon nombre de cadres historiques du PSOE (dont Felipe Gonzalez), l’Andalousie est considérée comme « le » bastion socialiste d’Espagne.
Mais depuis 2011 et à la « faveur » de la grave crise économique qui touche le pays et la région – 31% de taux de chômage contre 23% sur l’ensemble du pays – mais aussi d’une progression régulière dans les urnes depuis plusieurs années, le Parti Populaire était donné en tête de toutes les enquêtes d’opinion. Les nombreux cas de corruption qui ont touché les socialistes andalous ces dernières années et les guerres internes au parti ont largement contribué à dégrader une relative bonne image et des avancées sociales réelles.
Malgré cela, la gauche a résisté et conservera la région.
Tout d’abord, parce que la progression d’Izquierda Unida permet de ne pas offrir la majorité absolue à la droite. Ce parti dont les bons résultats aux élections législatives de novembre avaient été expliqués, en partie, par l’influence du mouvement Indignados, obtient une représentation dans chacune des huit provinces andalouses, traduisant un nouveau statut dans le paysage politique espagnol.
La gauche l’emporte donc, mais à la faveur d’une alliance. Les rapports de force ne seront plus les mêmes, et les socialistes vont devoir composer avec cette gauche anticapitaliste. S’ils savent le faire dans de nombreuses communes, sauront-ils aussi le faire à la tête de la région qu’ils aiment ériger comme leur symbole ? Et quelles contreparties vont-ils devoir accorder à Izquierda Unida ?
Enfin, et c’est sans doute l’explication majeure de cette « surprise » andalouse, les premières décisions du gouvernement de Mariano Rajoy (et notamment la réforme du travail) ont semble-t-il pesé lourd au moment de se rendre aux urnes – ou de ne pas s’y rendre. Même s’ils ont tenté de repousser au plus tard possible les annonces, la politique de rigueur et les nombreux sacrifices demandés à la population ont entraîné de nombreuses manifestations dans tout le pays. Qui plus est, elles ont très bien été utilisées par l’opposition et ont sans doute poussé de nombreux andalous à ne pas offrir une communauté autonome de plus au PP.
En 2010, lorsque Manuel Chaves – leader historique – avait été appelé par Zapatero au gouvernement, José Antonio Griñan lui avait succédé à la tête de la région sans élection. Grâce à ce qui ressemble à une défaite du PP, il devrait y rester quatre ans de plus.
Signe à la fois qu’un bastion ne se renverse pas si facilement qu’annoncé et que chacune des décisions du gouvernement de Mariano Rajoy peut coûter très cher à son parti, à l’échelle locale comme nationale.
Article paru sur Atlantico
Crédits image: FSIE Andalucia