La Libye, tête de pont de la Turquie en Afrique
Par Nora Seni, professeure émérite à l’IFG
Alors que les chancelleries occidentales n’ont d’yeux que pour la frontière russo-ukrainienne où Vladimir Poutine masse ses troupes, un autre suspense tient les États-Unis et l’Europe en haleine à quelques milliers de kilomètres de là, en Libye. À l’issue de la guerre que se sont livrées l’Armée nationale libyenne (ANL) du maréchal Haftar (soutenue par l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, la Russie et, plus discrètement, la France) et les forces du Gouvernement de l’accord national (GNA) de Fayez al-Sarraj épaulées par la Turquie, un accord signé sous l’égide de l’ONU a jeté les bases d’un processus politique de sortie de crise.
La Turquie s’est imposée comme l’un des protagonistes majeurs de ce processus. C’est, en effet, grâce à l’intervention décisive des drones turcs que le gouvernement de Fayez al-Sarraj — le seul reconnu par la communauté internationale — est parvenu à repousser les troupes de l’ANL montées à l’assaut de Tripoli en juin 2020. Et c’est pour préserver ses précieux acquis qu’Ankara courtise depuis le printemps 2021 le pouvoir égyptien, jusque-là fortement hostile à la présence d’un gouvernement sous influence turque à sa frontière.
Jusqu’où Recep Tayyip Erdogan est-il prêt à aller pour conserver ses positions libyennes ? Pourrait-il renoncer à son alliance avec les Frères musulmans ou, du moins, prendre ses distances vis-à-vis de leur cause ? Cela pourrait conduire les EAU et Ankara à modifier leur ligne concernant la Libye. Pour l’heure, elle reste antagonique.
Une chose est sûre : le rôle de la Turquie dans les processus de reconstruction institutionnelle et économique de la Libye aura une influence décisive sur la reconfiguration des équilibres en Méditerranée orientale.
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