LES ELECTIONS DU PARLEMENT AUTONOME BASQUE DU 1er mars 2009
Les résultats rendent possible un changement de pouvoir au Pays basque
Par Barbara Loyer, Professeur à l’Institut Français de Géopolitique, Université Paris 8
Les élections au Pays basque étaient très importantes pour plusieurs raisons : Pour la première fois le parti lié à l’ETA était absent car il était interdit. Ses électeurs représentaient environ 150 000 voix, 12% des suffrages (pour éluder l’action de la justice, le sigle sous lequel se présentaient les partisans de la lutte armée a souvent changé). En revanche un parti issu de la mouvance de l’ETA mais condamnant aujourd’hui toute forme d’attentat, Aralar, a fait campagne. On allait donc pouvoir mesurer les chances d’Aralar de capter les votes de la mouvance de l’ETA (du Mouvement de Libération National Basque dit MLNV) et fragiliser plus encore les bases de l’ETA.
Par ailleurs, la coalition entre deux alliés nationalistes, Parti nationaliste basque (PNV) et Eusko Alkartasuna (EA), issu d’une scission de 1986, s’était rompue. Chacun se présentait seul. EA se réclamait plus radicalement indépendantiste que le PNV. EA se différencie d’Aralar en étant plus à droite. On allait donc voir comment 20 ans de scission avaient départagé les deux partis, et si la revendication indépendantiste pouvait faire une différence parmi des électeurs nationalistes basques conservateurs.
Le Parti socialiste avait fait un excellent résultat aux législatives de 2008 (avec 38% des voix dans la communauté autonome) au Pays basque malgré les échecs de la politique antiterroriste de JL Zapatero. Depuis 1998, le Parti socialiste avait également régulièrement amélioré sa représentation au parlement autonome, passant de 17% en 2001 à 22% en 2005. Le Parti populaire, son principal adversaire non nationaliste, avait au contraire perdu de l’influence dans les mêmes années. Le choix des socialistes, un discours conciliant avec les nationalistes basques au pouvoir, semblait à moyen terme plus efficace électoralement que la volonté du Parti populaire d’affronter radicalement l’idéologie nationaliste. On allait donc savoir si le Parti socialiste pouvait gagner son pari et diriger la première alternance de l’histoire du Pays basque post franquiste.
Enfin un nouveau parti anti nationaliste issu des mouvements sociaux qui se sont développés au Pays basque contre l’ETA depuis la fin des années 1990, se présentait pour le parlement autonome. Ce parti, Union Progrès et Démocratie, créé pour les législatives de 2008, avait alors obtenu un député à Madrid et environ 10 000 voix au Pays basque (0,94% des suffrages). On allait donc voir si un parti s’affichant « contre le nationalisme obligatoire » , UPyD, était capable de s’enraciner au Pays basque
Une élection historique
Les résultats rendent possible un changement de pouvoir au Pays basque. Le Parti socialiste a gagné 24 sièges (avant le décompte des voix à l’étranger). Si le Parti populaire et UPyD soutiennent son investiture, il aura 38 voix. Le parti nationaliste basque (PNV) est le premier en nombre de voix et de sièges, mais l’ensemble des nationalistes basques ne peut réunir que 37 voix. C’est donc une élection historique si le parti socialiste décide de candidater pour la présidence de la communauté autonome Cela dépend aussi des relations entre le PSOE de Madrid et celui d’Euskadi.
Les résultats révèlent une forte croissance d’Aralar, indépendantistes de gauche contre l’ETA. Aralar passe de 2,3 à 6% des voix. La formation interdite avait appelé au vote nul. Or le nombre des votes nuls est un tiers inférieur aux résultats de ce parti proche de l’ETA en 2005. L’horizon politique de l’ETA semble s’obscurcir de plus en plus. C’est aussi un tournant important. En effet, jusqu’ici le parti dirigé par l’ETA avait des sièges au Parlement autonome. Cela a sans doute fortement contribué à briser toute possibilité d’isoler socialement l’organisation armée puisque ces élus défendaient les terroristes avec la légitimité des urnes. L’un d’eux , ancien chef de l’ETA, avait même été nommé membre de la commission des droits de l’homme au Parlement. Même si les mairies restent encore un lieu de pouvoir important pour l’ETA, cette élection l’affaiblit sans doute considérablement.
En outre, l’isolement social de l’ETA sera accentué par la victoire d’UPyD, qui a doublé le nombre des suffrages obtenus depuis 2008 et obtenu un élu au parlement autonome (2% des voix). Celui-ci aura le rôle de mouche du coche et ne perdra pas une occasion de s’élever contre toute forme d’indulgence pour les milieux proches de l’ETA.
Enfin, l’élection du 1er mars 2009 a montré que la tentative de créer un autre parti nationaliste basque conservateur dans la communauté autonome, Eusko Alkartasuna (scission du PNV) a échoué. Le PNV se présentait seul pour la première fois depuis 1998 et a remporté plus de voix que lorsqu’il était en coalition avec son frère ennemi, Eusko Alkartasuna. Ce dernier parti s’effondre et l’on ne sait maintenant quel sera son avenir.
Les prochains jours seront donc décisifs pour l’avenir des citoyens de la communauté autonome basque et pour l’Espagne en général. La situation dans cette communauté est cruciale à cause des attentats terroristes et parce que la fin de l’hégémonie d’un parti qui recherche la souveraineté du Pays basque, le PNV, est évidemment un enjeu à l’échelle de l’Espagne.