Les graffitis de gangs comme marqueurs de rapports de force politiques sur le territoire. l’exemple de Compton (Californie)
par Yohann Le Moigne, docteur de l’IFG
Véritables phénomènes de société, les gangs de rue américains ont fait l’objet d’innombrables études. Étonnamment, les géographes ont été traditionnellement peu présents dans ce domaine de recherches, ce qui a laissé le champ libre aux sociologues et aux anthropologues qui se sont concentrés prioritairement, dans un premier temps, sur les facteurs socio-économiques contribuant aux processus collectifs de formation des gangs, avant de s’intéresser aux processus individuels d’adhésion à un gang (Vigil, 1988 ; Klein, 1995 ; Huff, 2002 ; Maxson et al., 2013 ; Curry, Decker et Pyrooz, 2014). Pourtant, la territorialité est généralement considérée comme une caractéristique fondamentale des gangs. Cela implique que leurs activités sont concentrées à l’intérieur d’un territoire, que les frontières de ce territoire sont relativement clairement définies, que le territoire est défendu contre des gangs souhaitant en prendre le contrôle ou même s’y aventurer, et que la majorité des membres du gang et leurs familles vivent à l’intérieur de ce territoire (Miller, 1975). Ce rapport au territoire permet de matérialiser le pouvoir et l’influence du gang, notamment grâce à l’existence de frontières délimitant ce qui lui « appartient » et ce qui ne lui appartient pas (Sack, 1986 ; Klein et Maxson, 2006). Cette matérialisation s’effectue bien souvent par le biais de graffitis, omniprésents sur les murs (et l’ensemble du mobilier urbain) des villes et des quartiers comptant un nombre important de gangs (Alonso, 1998 ; Phillips, 1999).