Libye, l’enlisement de l’offensive d’Haftar contre Tripoli
Chronique d’Ali Bensaad, Professeur Des Universités (Institut Français de Géopolitique de Paris, Université Paris 8 Vincennes Saint Denis).
L’enlisement était pourtant prévisible. Par intérêt géostratégique ou par choix idéologiques, les puissances régionales et internationales qui ont misé sur Haftar ont cru bon occulter le potentiel de rejet qu’il suscite dans une partie importante du pays. A lui seul ce rejet explique pourtant une part importante de cet enlisement. Dès qu’elle fut lancée, l’offensive de Haftar sur Tripoli a eu comme premier effet-retour d’unir contre lui les différentes factions de la Tripolitaine qui ont remisé les conflits, nombreux, qui les opposaient. Mais cette attaque a vu aussi s’unir contre lui des acteurs qui vont au-delà de ses traditionnels ennemis. Certains d’entre eux reconnaissaient même le nécessaire octroi d’une place importante au Maréchal pour aider à la stabilisation. Cela qui ne signifiait pas pour autant cautionner sa vision autoritaire et ses velléités putschistes. L’attaque de Tripoli est venue les leur rappeler. Elle est aussi venue rappeler le manque de fiabilité de Haftar dans ses engagements et doucher ceux qui pensaient pouvoir lui tendre la main. L’offensive, déclenchée à une semaine de la tenue de la conférence nationale a ainsi été perçu comme une tentative de couo d’Etat Emiratis et Saoudiens avaient préparés le terrain en actionnant les réseaux salafistes et en s’achetant des ralliements mais autant ceux-ci que le mécontentement grandissant en Tripolitaine contre l’incurie du gouvernement, n’ont pu être convertis en allégeance à Haftar comme lui-même et ses soutiens ont pu le croire. Mais il est aussi probable que cette attaque contre Tripoli, depuis longtemps envisagée, ait souffert d’avoir été précipitée par les évènements dans l’Algérie voisine. Ceux-ci offraient l’opportunité de laisser plus de champ en Libye aux puissances régionales soutenant Haftar. En retour un positionnement fort, rapidement, en Libye était conçu par ces mêmes puissances comme une façon de peser dans la transition algérienne en se positionnant dans sa proximité géographique. L’approche autoritaire qui a présidé à l’offensive a pesé également dans la conduite des opérations avec des dépassements qui lui ont aliéné des soutiens dont certains étaient acquis. L’offensive a ainsi eu comme effet retour de coaliser un important nombre de forces disparates dont le coagulent fut l’hostilité à Haftar et qui, structurellement, ont compromis l’offensive.